Le SIDA, un fléau incontestable et un véritable tabou de société. Au Maroc, la maladie fait de plus en plus de victimes, piégées entre le jugement et l’ignorance d’une société sans merci et le prix d’un traitement, qui se fait de plus en plus rare, les patients se retrouvent rapidement isolés de leur entourage quotidien, obligés de supporter leur maladie, mais surtout de la maintenir en cachette. JeunesDuMaroc est allé rencontrer pour vous l’ALCS Essaouira (Association de Lute Contre le SIDA), une parmi les associations les plus actives dans le domaine de lutte contre la maladie au Maroc. Reportage sur les activités journalières d’une jeunesse particulièrement motivée contre une maladie particulièrement dangereuse.
ALCS : une association faite pour les jeunes.
Nous avons posé la question à M. Chafike BELGACEM, fondateur et responsable de l’ALCS section Essaouira, qui nous a informé sur les actions et les projets de l’association vis-à-vis des jeunes. « A l’ALCS nous avons trois buts principaux : La prévention, la prise en charge des patients et la préservation de leurs droits. Nous visons principalement les tranches les plus vulnérables, qui sont statistiquement les jeunes » déclare M. KACEM. En effet, et selon les chiffres de l’organisation mondiale de la santé et le ministère de la santé publique, les tranches d’âge les plus atteintes par le SIDA au Maroc sont les jeunes entre 15 et 39 ans, une jeunesse qui constitue -Quand même- 83% de la population Marocaine.
L’enjeu est grandiose et les conséquences sont de taille, à ‘Essaouira Gnaoua Musique du monde’, événement à fort potentiel de jeunes, la mobilisation de l’ALCS est au maximum : « Nous sommes présent au festival Gnaoua depuis 9 ans déjà, dans ce genre de manifestations, la communication avec la jeunesse se fait plus facile et les tabous ont tendance à disparaitre. C’est dans le même cadre que nous étions présents au Boulevard de Casablanca et au festival de musique du monde à Fès » Ajoute M. BELGACEM.
Le SIDA : Une mentalité qui résiste.
Le SIDA reste un sujet tabou dans beaucoup de sociétés même occidentales. Au Maroc, le problème est particulièrement périlleux, devant l’absence d’une éducation sexuelle efficace et la résistance d’une mentalité forgée depuis des années voire des siècles, sensibiliser l’enfant dès son jeune âge semble être l’ultime solution. Consciente de ce constat, l’ALCS a noué plusieurs partenariats avec le ministère de l’éducation nationale : « D’après notre expérience, parler avec des adultes n’aboutit généralement pas à nos objectifs, c’est pour cela que nous travaillons avec le ministère, dans ce qu’on appelle ‘l’éducation à la santé’, ces programmes nous garantissent un message direct et sans intermédiaire avec l’enfant... Vous savez le SIDA et les MST en général sont liés au comportement, nous ne pouvons changer le comportement d’un individu qu’à jeune âge... », La parole est toujours à M. BELGACEM.
Des volontaires motivés.
Durant notre tournée à Mogador, nous nous sommes laissés entamer (sans badges) par une représentative mobile (volontaire comme tous les membres de l’association) de l’ALCS, son rôle : scionner les rues d’Essaouira pour distribuer des dépliants et répondre aux questions des intéressés. Nous avons poussé la discution (exprès) vers des sujets -jusque là- tabous, et finir par demander des préservatifs, la réponse était claire : « Notre premier message est l’abstinence et la sensibilisation, nous ne distribuons pas de préservatifs, on les mets à disposition. Aujourd’hui l’âge de mariage est très tardif, d’après les statistiques, les premiers rapports sexuels au Maroc sont à 17 ans pour les hommes, et de 14 ans pour les femmes, si le choix est fait pour un rapport sexuel, il vaut mieux qu’il soit protégé, et c’est à ce moment que nous donnions des préservatifs ».
L’ALCS c’est aussi des centres de dépistage gratuits et anonymes.
Le dépistage est très important, il permet d’avoir une idée sur l’état des lieux du SIDA au pays, et de mettre en oeuvre les outils nécessaires pour combattre la maladie. L’ALCS dispose de 3 unités mobiles de dépistage de SIDA.
L’équipe JeuneDuMaroc est allée visiter le centre de dépistage présent à Essaouira, durant le festival de Gnaoua Musique du Monde, nous avons été accueillis par le docteur Noureddine BENTANI, Médecin chef du centre de santé TAO Guelmim et ancien médecin chef de la 3ème GEB des Force Armées Royales. Le Dr BENTANI nous a expliqué le déroulement de l’opération de dépistage : « Le dépistage est totalement gratuit et anonyme, tout ce que nous demandons du consultant, c’est son âge, sexe et situation familiale, par la suite on profite de l’occasion pour l’informer à propos de la maladie et les moyens de transmission, à savoir : les objets tranchants, les rapports sexuels non protégés et les transmissions vectorielles (de la femme enceinte à son bébé) ». Les résultats du dépistage sont disponibles 20 minutes après le prélèvement sanguin, grâce au test ELISA (fiable à 99%). En cas de résultat positif, le consultant serait soumis à un 2ème test plus rigoureux (western blot) pour confirmer la présence du virus.
Une jeunesse de plus en plus consciente de la maladie
A notre question à propos des profils des consultants, le Dr BENTANI nous explique qu’en général, ce sont des groupes de jeunes qui se motivent entre eux, et qui arrivent finalement à casser le tabou social de venir passer le dépistage. Et à notre demande à propos des chiffres, Dr BENTANI répond : « Les statistiques ne sont pas fiables, quoi qu’on dise, les cas de SIDA sont beaucoup plus que l’on croie. Hamddoullah, jusqu’à cette heure et depuis le début du festival de Gnaoua, nous avons effectué 151 tests, tous négatifs ».
Le SIDA et l’Etat : une skisophrénie éternelle !
Après un travail exceptionnel de l’ALCS durant l’édition 2005 du festival Gnaoua, quelques journaux qui se disent conservateurs, ont marqué des doigts les efforts de la jeune association, comme étant stimulateurs à la dérive. Nous avons cherché à s’informer chez l’ALCS qui -malgré tout- est resté assez discrète vis-à-vis du sujet, nous avons donc mené notre enquête, et à travers nos différentes sources, nous avons pu (plus au moins) cerner le sujet. En effet, et d’après la réaction desdits ‘Journaux’, l’affaire s’est muée en problème politique, le Makhzen s’est retrouvé confus, et les autorités sont allé jusqu’au point d’interdire la présence de l’ALCS durant l’édition actuelle du festival (2006). Une décision annulée à la dernière minute, après plusieurs interventions de militants associatifs.
L’affaire ne s’arrête pas ici, des directifs ont été données pour que le centre de dépistage mobile soit (volontairement) isolé de la foule du public (d’ailleurs nous avons trouvé beaucoup de mal à le localiser), et que la distribution de préservatifs se passe en cachette. Une de nos sources, nous a informé que des arrestations de professionnels de sexe a eu lieu, pour le seul motif qu’elles possédaient des préservatifs. Des préservatifs qui, rappelons-le, sont distribués en partenariat avec le ministère de la santé publique.
De tels actes, remet en cause, l’utilité des efforts des actions de la société civile, et nous poussent réellement à se demander jusqu’à quand allons-nous continuer à cacher le soleil avec un tamis (Kan khabiw chams bl ghourbal).
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